Conférence à l'EDHEC

Conférence avec Mouloud Mansouri, ancien détenu et fondateur d’une association qui œuvre à la réinsertion des détenus, à l'EDHEC

 

La prise de contact avec M. Mansouri

L’Ombre et la Plume a décidé de recevoir pour sa conférence annuelle M. Mouloud Mansouri. Une vidéo du média « Brut », présent sur les réseaux sociaux, nous avait interpellés : M. Mansouri y était présenté, lui et ses projets, à travers une courte vidéo. L’Ombre et la Plume l’a donc contacté, pour lui proposer de venir témoigner à l’EDHEC. La prise de contact fut rapide et efficace, M. Mansouri était attendu pour le 22 mars à l’EDHEC

 

Le parcours de M. Mansouri 

Mouloud Mansouri a passé dix années dans différentes prisons. A sa sortie, il a utilisé son réseau pour fonder l’association Fu-jo, et plus précisément la « shtar academy » pour favoriser la réinsertion des détenus par la musique. Il a ainsi fait intervenir des rappeurs en prison, afin d’écrire des textes et sortir des albums. Au cours de la conférence, il a pu donc nous détailler son ressenti, son parcours et ses ambitions. 

 

Le déroulé de la Conférence

M. Mansouri nous a tout d’abord raconté son enfance à Hyères, où il vivait bien sans pour autant avoir autant de moyens que ses camarades. Il nous précise qu’il ne comprenait pas pourquoi il avait moins que les autres, et son désir d’avoir autant. Il tombe ainsi dans le trafic de drogue pour augmenter ses revenus. Il tombe à dix-huit ans pour trafic de stupéfiants. Il fait différentes prisons, sort et entre à nouveau en prison plusieurs fois. Il explique : « Nous étions à quatre dans des cellules, voire parfois six. Il y avait des cafards, les conditions de vie étaient affreuses.  La prison, c’est l’école du crime. C’est cliché de dire ça mais c’est la réalité. Quand je suis rentré en prison je n’avais jamais touché une arme de ma vie et en sortant j’avais une kalachnikov sur moi ». Il explique aussi qu’il avait toujours eu une appétence particulière pour la musique, et que cela s’est accentué en prison : il a donc longuement négocié avec les surveillants pour pouvoir faire entrer des instruments et organiser des concerts durant sa détention. Pour lui, « vingt et une heures de cellule par jour, c’est comme mettre un homme dans une cage sans manger, alors il devient féroce. Il a besoin de nourriture pour ressortir tout doux. Dans la prison, la nourriture c’est l’éducation, le sport et la culture. Sans ça, les détenus récidivent. Malheureusement, les détenus n’ont pas accès à tout cela ». 

A sa sortie définitive, sa mentalité a changé : il va concrétiser un projet de musique en prison. Il nous parle de la difficile réinsertion des détenus dans le monde professionnel, puisqu’ils ne sont pas accompagnés. 

Il nous parle ensuite de son association, de la façon dont il a pu contacter les rappeurs, concrétiser son projet, s’organiser avec les surveillants pénitentiaires. Certains directeurs de prisons ont été plus conciliants que d’autres. Il a ainsi sorti un premier album, écrit par des détenus avec des rappeurs, et va en sortir un second. Il nous fait même écouter un extrait. Il aimerait réaliser un projet avec des femmes en prison. Pour lui, les rappeurs acceptent globalement facilement de faire des concerts bénévolement dans les prisons parce que c’est leur culture, il ne faut pas qu’ils oublient d’où ils viennent et par où ils sont passés.

A chaque fois qu’il retourne en prison, cela lui prend toute son énergie. Au début, cela lui a fait bizarre d’entendre à nouveau les bruits et ressentir des odeurs qu’il connaissait, mais pour lui c’est devenu normal, il sent qu’il doit le faire, qu’il doit mener ce projet.

Il nous parle enfin de son avis sur la politique carcérale en France. Pour lui les hommes politiques ignorent complètement la réalité carcérale, tout est de l’ordre de l’improvisation. Il pensait qu’il y aurait des changements avec le nouveau ministère de la justice mais en fait rien n’a changé. L’abandon de ces milieux ne fait que reproduire le crime. 

 

L’Ombre et la Plume a donc pu ainsi offrir une conférence riche et percutante aux étudiants de l’EDHEC, afin de sensibiliser à nouveau au monde carcéral et à ses difficultés. Tous nos remerciements vont à M. Mansouri pour son temps et son implication, au pôle « sensibilisation » de l’association qui a organisé ce moment d’échange ainsi qu’à l’EDHEC qui nous a permis d'organiser la conférence sur le campus. 

Conférence Marc Sluse à l'EDHEC

Un homme qui aide les autres à s’évader et qui s’évade lui-même par la lecture.

 

Lors d'une conférence très poignante, Marc Sluse a su tenir en haleine son auditoire. Cet homme hors du commun nous a livré le témoignage de sa vie avant de vivre un temps d'échange avec l'auditoire et de répondre à différentes questions. 

 

Son enfance

Pour comprendre qui est Marcus, il est indispensable de se plonger dans son enfance. Une enfance douloureuse qui a façonné l’homme qu’il est aujourd’hui.

 

Né en 1955 en Belgique, Marcus passe la majeure partie de son enfance dans un orphelinat. Il rencontre de nombreux couples mais aucune des démarches d’adoption n’aboutit. L’espoir de vivre dans une famille s’évanouit à chaque fois. Ces évènements le plongent dans un immense sentiment d’abandon.

 

Finalement, alors qu’il n’y croit plus, un couple l’adopte enfin. Commence alors pour lui une nouvelle vie. Il passe de l’enfer au paradis. Il voyage à travers l’Europe avec sa nouvelle famille.

 

Cette vie va s’interrompre brutalement. A 13 ans, il traverse une période difficile de remise en question. Il décide de s’enfuir et rejoint l’orphelinat où il a grandi. Mauvaise nouvelle : il n’y a plus de place… C’est donc dans un home pour délinquant qu’il est envoyé. Le calvaire recommence. Cette fois, il est maltraité et même battu par le directeur.

 

A l’école, il parle de son envie de suicide lors d’une expression écrite et est alors renvoyé du home dans lequel il vit. Il est alors privé de la seule chose à laquelle il tient : l’enseignement. 

 

Ses premières condamnations 

Un jour, Marcus récupère et revend les meubles de l’un de ses amis qui voulait les jeter. Ce dernier l’accuse de vol. Marcus vit alors son premier séjour en prison.

 

A sa sortie, Marcus se retrouve terriblement seul. Il n’a nulle part où aller et n’a aucun ami qui l’attend à l’extérieur. Les seules relations qu’il a sont avec les autres détenus. Lors de son séjour en prison, il a côtoyé des criminels qui lui ont appris les techniques pour gagner facilement de l’argent.

 

Il sombre alors dans la délinquance et tombe dans un cercle vicieux de plus de 20 ans.

 

Quelle vie en prison ?

La journée typique d’un prisonnier est extrêmement vide. Les gardiens les réveillent à 6h15 pour vérifier qu’ils ne sont pas morts suicidés pendant la nuit. Deux heures de promenades viennent rythmer leur journée. Le reste du temps, ils n’ont rien à faire.

 

Marcus se réfugie dans la lecture. Comme il ne peut pas s’évader physiquement, les livres lui permettent de s’évader dans un autre univers, celui de la fiction. Pour passer le temps, il apprend par cœur le dictionnaire.

 

Les évasions les plus marquantes

Un jour, on l’appelle pour solliciter son aide. Deux hommes extrêmement recherchés qui se sont évadés de prison en hélicoptère ont besoin d’être cachés et ont entendu parler de lui. Lorsque Marcus les reconnait, ces derniers prennent peur et veulent le prendre comme otage avant de comprendre que c’est inutile : Marcus est prêt à les aider de son plein gré.

 

Une autre fois, alors que Marcus est en prison, un détenu lui demande de l’aider à s’évader. Le plan est le suivant : lors de la promenade, Marcus lui donne un coup de poing, le détenu tombe et est emmené à l’hôpital où un ami l’attend à moto. Tout se passe comme prévu jusqu’au moment où il doit courir pour rejoindre son ami. Pour faire plus vrai, le détenu avait pris des médicaments le matin même, si bien qu’il est incapable de courir assez vite. De retour en prison, il dénonce Marcus.

 

Prison et société

Selon Marcus, la prison souffre d’un grand manque d’humanité et infantilise les hommes. Elle gère toute leur vie. Ce qui fait souffrir Marcus, c’est l’ostracisme qu’il vit. Même son frère l’a abandonné et le renie.

 

De plus, les détenus ne sortent pas meilleurs de la prison. Au contraire : à 3 dans 9m2, c’est impossible de bâtir un avenir.  Par ailleurs, beaucoup n’ont rien hors de la prison. Il n’est pas rare qu’un détenu se suicide à quelques jours de sa libération car rien ne l’attend à l’extérieur.

 

Un jour, Marcus a lui-même pensé au suicide après un film qui l’a bouleversé. En revenant dans sa cellule où il devait passer encore de longues années, il décide de passer à l’acte. A ce moment même, la porte de sa cellule s’ouvre : le Pasteur vient voir ce qu’il a pensé du film. Il luit dit alors que sa vie ne lui appartient pas. et que même les chiens ne se suicident pas. Cela achève de convaincre Marcus.

 

Lorsqu’on demande à Marcus s’il a vécu des moments joyeux en prison, il nous répond qu’il en voit un seul : le jour où il a réussi à corrompre un gardien pour qu’il lui apporte une bouteille de vodka…

 

Le sens de sa vie

Selon Marcus, aider les détenus ce n’est pas cautionner ce qu’ils ont fait. Il est persuadé que c’est le sens de sa vie. Les prisonniers lui rappellent les orphelins avec qui il a grandi. Il est même prêt à sacrifier sa vie personnelle et sa liberté pour les aider. Aujourd’hui encore si on l’appelait, il viendrait. Cela n’a rien d’héroïque pour lui. Il ne fait que son devoir.

 

Un jour à 50 ans, on lui propose de s’investir dans une association. Faire des randonnées avec des personnes à mobilité réduite. Ces personnes vont beaucoup l’aider à vivre hors de la prison.  C’est avec deux membres de l’association qu’il est venu aujourd’hui.

 

Raconter ainsi son témoignage est loin d’être une partie de plaisir pour Marcus. En effet, cela fait remonter des souvenirs qu’il préfèrerait oublier. A chaque fois qu’il témoigne, il ne peut pas trouver le sommeil durant plusieurs jours.

 

En résumé : une conférence touchante et très intéressante qui lève le voile sur le milieu carcéral et ses enjeux.  

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Commentaires: 1
  • #1

    marc.sluse@hotmail.fr (samedi, 02 mars 2019 19:18)

    Merci les jeunes pour votre investissement auprès des mineurs prisonniers . Vos actes sortent de la citoyenneté pour devenir Humanitaires . Si j'avais connu pareille rencontre en 1977 , jamais, jamais , je n'aurais été récidiviste . Bonne route à tous " histoire d'en sauver UN " . A+ Marcus